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Ainsi que Huy l'avait dit à Taheb, il n'aimait pas les mystères. Ils allaient contre la logique, de même que la mort d'Intef. Censée résoudre les problèmes, relier un certain nombre de faits incohérents, celle-ci n'avait répondu ni à l'un ni à l'autre de ces objectifs, sinon sur le papier. Mais avec qui Intef travaillait-il ? Serait-il vengé ? Son exécution découragerait peut-être d'autres Mézai en quête du plus court chemin vers la fortune, mais Huy était frustré que l'homme eût été exécuté avant qu'il ait eu l'occasion de lui parler. L'idée de proposer la clémence en échange d'informations était nouvelle et n'aurait vraisemblablement pas été au goût d'Horemheb ; pourtant c'était dommage que l'occasion ne se fût pas offerte de faire cette tentative.

Cependant, son intérêt pour Intef allait bientôt attirer sur lui une attention qu'il jugerait malencontreuse.

Grâce aux relations de son frère, Aset s'était arrangée pour lui faire avoir une entrevue avec l'employé chargé de contrôler le déchargement de la cargaison restée à bord du Gloire de Rê, et dont Huy avait déjà eu l'opportunité d'examiner les livres.

Le clerc ne parut pas réjoui outre mesure de le revoir. Il était un modèle d'infatuation et semblait sorti tout droit des pages traitant des scribes dans la Satire des Métiers. Grand, d'une netteté irréprochable – à l'exception de ses doigts, dont l'extrémité portait des taches d'encre savamment négligées pour souligner sa position –, l'homme offrait toute l'apparence du subalterne ambitieux qui cherche à se donner de l'importance. Contrairement à la palette usée que Huy ne portait plus, celle du clerc était toute neuve. Faite de sycomore rehaussé d'ébène, elle était creusée en son centre par une longue rainure destinée à recevoir les pinceaux en jonc, parfaitement droits (en l'occurrence). Au-dessus de cette rainure, six trous circulaires sculptés dans le bois renfermaient chacun une pastille de poudre d'encre pressée – quatre noires et deux rouges. À sa ceinture, le clerc portait deux élégantes bourses en cuir contenant des réserves supplémentaires de poudre d'encre. Il avait l'air si raffiné que Huy se demanda s'il utilisait exclusivement de l'eau ou s'il crachait quelquefois pour humidifier l'encre, et s'il s'abaissait à mâcher le bout de ses roseaux pour diviser les fibres et créer le pinceau.

« Salut à toi, Pémou, dit Huy en entrant dans le bureau du clerc, non loin du quai.

— Y a-t-il un problème ? » voulut immédiatement savoir Pémou, qui connaissait le passé de Huy et se méfiait de lui, mais qui, en même temps, ne voulait pas s'aliéner l'ami du patron.

« Aucun.

— Les documents que tu as vus étaient en ordre, j'espère ?

— Parfaitement. »

Cela ne dissipa pas l'inquiétude de Pémou. Il mordilla l'extrémité de son pinceau et rectifia la position de quelques-uns des instruments disposés sur son bureau bas : une petite carapace de tortue contenant de l'eau et un rouleau de cuir qui lui servait de sous-main. À la vue de ces objets familiers, Huy ressentit une pointe d'envie et de nostalgie. Lui serait-il jamais permis de les utiliser à nouveau ? Il remarqua que Pémou portait au cou un talisman d'argile représentant Thot, le dieu de l'écriture. Cet homme était la vivante caricature du scribe.

« S'il n'y a aucun problème, que puis-je faire pour toi ? »

Cette nervosité provenait-elle simplement de la répugnance de Pémou à frayer avec un individu aussi douteux ? Un ancien résidant d'Akhet-Aton, la cité de l'Horizon, n'était pas une compagnie souhaitable pour un homme ambitieux, si basse que fût sa place dans la hiérarchie.

« J'aimerais seulement te poser une ou deux questions qui m'intriguent depuis que j'ai examiné les listes concernant la cargaison. »

Pémou parcourut la pièce des yeux comme s'il s'attendait à surprendre un espion tapi dans un coin.

« As-tu la permission d'être ici ? »

Huy affronta le regard fuyant sans pouvoir le retenir. Que pensait donc cet homme ? Il savait que si Amotjou était hors de danger, il était certes loin d'être rétabli. Supputait-il que, pour l'instant du moins, il convenait d'aiguiller sa loyauté vers Taheb, la gérante provisoire ?

« Pas manuscrite.

— Il devrait y avoir un document…

— Allons ! » s'écria Huy.

Il faillit dire qu'ils étaient collègues, mais il ravala ces paroles. Il n'avait plus le droit d'y prétendre.

« Cela n'a absolument rien à voir avec tes comptes », continua-t-il, cherchant à user de diplomatie.

Il n'avait aucun désir de se faire des ennemis sans nécessité.

« C'est ce que je me plais à penser ! Si je supposais un instant que tu mettes en doute… »

Huy leva une main apaisante.

« Je veux savoir qui a vu la cargaison avant toi. »

Pémou tritura son pinceau, la tête basse.

« Car quelqu'un l'a vue, n'est-ce pas ? insista Huy.

— Où cela mène-t-il ? demanda Pémou en lui jetant un bref coup d'œil.

— Nulle part. Il s'agit simplement de confirmer que personne n'a touché à la cargaison après que tu as dressé l'inventaire.

— Cet Intef était coupable ! cracha brusquement Pémou. Où allons-nous si la police elle-même se tourne vers le crime ? Il faut nous protéger contre de pareilles gens !

— Là n'est pas du tout la question, mentit Huy. Amotjou veut seulement avoir confirmation que personne d'autre n'a profité de la confusion pour se servir dans ce qui restait à bord. Il a une confiance entière en ta probité, sinon il ne m'aurait pas envoyé te poser carrément la question. »

Huy espéra que personne n'irait vérifier ce tissu de mensonges, mais il voyait déjà qu'ils avaient produit leur petit effet. Le nom d'Amotjou, prononcé avec autorité, et ces quelques louanges judicieuses reflétant apparemment la bonne opinion qu'avait son maître de son honnêteté, firent littéralement enfler Pémou de fierté. S'efforçant de réprimer son sourire, il se leva en se rengorgeant et ajusta les plis de son pagne, impeccablement disposés sous une bedaine naissante, ronde et lisse comme une jarre en terre cuite.

« Voyons un peu… » dit-il.

Huy savait que ce n'était pas pour gagner du temps, mais pour savourer pleinement l'importance du moment.

« Il y a bien l'équipage réduit qui est descendu renflouer le navire, mais il a été soumis à une étroite surveillance dès l'instant où il a ramené le Gloire de Rê. J'ai dressé l'inventaire presque immédiatement… Je sais ! Ani, l'ancien capitaine. Il est monté à bord aussitôt que le navire s'est amarré et que l'équipage a débarqué. Je me le rappelle car j'ai travaillé tard, comme cela m'arrive fréquemment. »

Il marqua une pause pour faire briller cette facette de son zèle, puis reprit :

« Et je les ai vus passer.

— « Les » ?

— Oui. J'ai reconnu Ani à sa béquille, bien entendu. Il avait encore beaucoup de difficulté à marcher. C'est remarquable, cette rapidité avec laquelle…

— Qui était avec lui ? coupa Huy, qui avait grand-peine à ne montrer qu'un intérêt poli et à ne pas laisser transparaître son agitation.

— Deux serviteurs. Des gaillards solides.

— As-tu remarqué à quelle maison ils appartenaient ?

— À celle d'Amotjou, évidemment ! » répondit Pémou, surpris.

Huy prit une profonde aspiration.

« Et les as-tu revus ?

— Non. Ils devaient encore se trouver sur le bateau quand je suis parti. Il était très tard.

— Aucun homme n'était de garde ?

— Si, mais quelle raison aurait-il eue de…

— Où est-il, à présent ?

— Le fait est… commença Pémou, mal à l'aise.

— Oui ? »

Pémou ressemblait à un enfant dont le château de sable vient d'être écrasé sous les pas d'un promeneur distrait.

« Il a disparu peu après. En fait, on ne l'a pas revu depuis. Il n'était pas chez nous depuis longtemps, de toute manière, et nous avons pensé qu'il était parti chercher un meilleur travail ailleurs.

— Amotjou en a-t-il été informé ? interrogea Huy d'un air sévère.

— Je ne sais pas, dit Pémou en tremblant. Étant donné sa disparition – celle d'Amotjou, je veux dire – et sa maladie… Quoi qu'il en soit, cet homme ne relevait pas de ma responsabilité, ou il y aurait certainement eu un rapport. »

Huy le laissa à ses supputations sur le moyen de reconstruire son château de sable.

 

Bien que la nouvelle saison fût encore peu avancée, les eaux du Fleuve avaient monté perceptiblement et les flancs des navires se dressaient telles des murailles de bois le long des quais. Le soleil paraissait plus lent dans son voyage quotidien de la naissance à la mort, et s'attardait au centre de son parcours, haut dans le ciel, pendant ce qui semblait une éternité. Beaucoup d'hommes se dispensaient de porter leur perruque le jour, lui préférant un turban en lin blanc, et l'on ne voyait aucune femme de qualité dans les rues avant le soir. La cité était plongée dans la torpeur, comme ensommeillée. Les champs, désertés eux aussi, attendaient d'être inondés par Hapy qui abreuverait d'eau et de limon précieux le sol parcheminé. Tout le monde s'installait sur les hauteurs. Bientôt l'étoile du Chien se lèverait, et l'année nouvelle commencerait. Huy, qui détestait l'été, attendait avec impatience l'activité et la fraîcheur relative de peret, la saison de la Végétation.

Il découvrit Ani à bord du bateau. Le Gloire de Rê était presque entièrement restauré, grâce au grand nombre d'hommes que l'on pouvait désormais recruter pour le chantier naval parmi ceux qui avaient pris part aux travaux agricoles. C'était le dixième jour, le dernier de la semaine, et le travail avançait au ralenti, à l'approche du jour de repos. Huy était heureux d'avoir trouvé Ani, et seul de surcroît.

Le capitaine se montra expansif, lui fit fièrement visiter le bateau, lui servit du vin et refusa de se laisser brusquer. Il se comportait en homme sûr de sa position et, au fil de la conversation, donna à entendre à Huy que son statut dans la maison d'Amotjou n'était aucunement aussi certain. Huy remarqua que le vin provenait de Dakhla. Pas le genre de cru que l'on s'attendait à se voir offrir par un marin. Il but avec retenue. Ani s'en aperçut, mais ne se modéra pas.

« Bon, tu ferais mieux de me dire ce qui t'amène, dit-il enfin, quand il ne lui fut plus possible d'atermoyer.

— Je veux savoir ce que tu as pensé d'Intef. »

Après un bref silence, Ani répondit :

« C'était bon de le voir se tortiller de honte, à son procès.

— Crois-tu que ce procès était équitable ?

— Trente de mes hommes se sont noyés ou se sont fait massacrer. Nous n'avons retrouvé que cinq corps à enterrer. Et lui, il restait sur la berge, à contempler le spectacle.

— Il n'était pas le seul.

— Ses hommes ne comptent pas ! répliqua Ani avec un geste d'impatience. Des instruments ! Ils ne seront pas assez malins pour échapper à l'enquête exigée par Horemheb. »

Il n'avait pas tort. Trois autres policiers étaient passés en jugement depuis l'exécution d'Intef. Deux avaient été jugés coupables et avaient eu le nez et la main droite tranchés. Le cadavre d'Intef était toujours planté sur son pieu. Les eaux du Fleuve en crue lui arrivaient à la taille, et bientôt les crocodiles finiraient ce qui en restait.

« Je sais ce que tu as enduré.

— Ah oui ? Tu sais ? lança Ani d'une voix lourde de sarcasmes, qui semblait dire en réalité : Qu'est-ce que tu sais, maudit petit tatillon de scribe ?

— Tu ne crains pas que les amis d'Intef vengent sa mort ?

— À qui s'en prendraient-ils ? À la loi ? Il a été jugé en toute justice. S'il a été assez stupide pour cacher le butin dans ses propres écuries…

— Alors il aurait également été assez stupide pour en parler à un de ses proches. Crois-tu qu'il ait été bête à ce point ?

— Qu'est-ce que tu veux dire ?

— Comment t'y es-tu pris pour faire cacher l'or chez lui ? »

Ani se tut, puis dit avec un geste évasif :

« Secret professionnel.

— Ça ne doit pas être bien difficile de remonter jusqu'à Esna dans un bateau léger, et les renforts n'auraient pas manqué, pour peu qu'on ait su que cet homme avait laissé mourir des marins sans broncher.

— Tu as dit toi-même qu'Intef était coupable. Après tout, il y avait tellement de témoins ! Tu as dit qu'il ne manquait plus qu'une preuve matérielle pour le confondre. J'ai fourni cette preuve, histoire de donner un petit coup de pouce à la justice. »

Huy soupira intérieurement. Inutile de se lamenter : Intef était mort, et les regrets étaient stériles.

« Le type avait tout monté. Combien d'autres attaques du même genre avait-il mijotées, à ton avis ? »

Ani insistait et cherchait à se justifier, l'air fanfaron. Huy caressa l'idée de lui suggérer qu'Intef n'était pas le cerveau, qu'il aurait probablement pu les mener à quelqu'un d'autre, mais cela semblait peine perdue.

« C'est le problème avec vous autres, dit Ani. Vous voulez tout faire selon les règles. Les dieux en soient loués, il y a encore place pour la justice naturelle. Je n'aurais pas supporté de voir un homme pareil en liberté.

— Peux-tu juste me dire qui t'a aidé ?

— Pourquoi ?

— Je suis curieux.

— Ce n'est pas une raison suffisante.

— Dis-le-moi quand même. C'est Amotjou ?

— Non, dit Ani, ignorant qu'Amotjou se passait désormais des services de Huy et pensant que celui-ci avait le moyen de vérifier ses dires. Des amis. Des amis puissants. »

Il y avait plus qu'une nuance d'avertissement dans le ton de sa voix. Huy renonça. Cette piste-là conduisait à une impasse. Il lui fallait rebrousser chemin.

 

La passerelle de débarquement était presque horizontale entre le pont et la jetée tant le Fleuve avait monté. Huy l'emprunta pensivement après avoir pris congé d'Ani, non sans un certain malaise. Il avait de l'amitié pour le capitaine et comprenait parfaitement ses motifs, même si pour sa part il n'aurait jamais adopté cette ligne de conduite.

Il sourit. Il ne s'était jamais vraiment considéré comme un homme d'action, plutôt comme quelqu'un qui préférait la sécurité, les plaisirs des sens et le respect du statu quo, tant que ce statu quo concordait avec ses principes. Et voilà qu'il fouillait dans la vie des autres, en s'attirant peut-être des ennemis qui lui étaient encore parfaitement inconnus.

Derrière lui, le soleil frôla l'horizon et le scintillement du Fleuve vira d'abord à l'or, puis au cuivre et enfin au pourpre. Huy regardait les pierres du chemin, dorées elles aussi, et son ombre qui s'allongeait à chacun de ses pas, silhouette au contour haché reflétant fidèlement chaque petit ricochet des cailloux à son passage. Il songeait à un autre mode de vie paisible : celui que menaient encore les fermiers, mais que les politiciens et les arrivistes avaient définitivement abandonné en découvrant la force de l'individualisme. Les fermiers restaient la propriété de Pharaon, du soleil et du Fleuve. Ils n'avaient de temps que pour le labeur, de désir que pour la nourriture et l'acte sexuel, et surtout, ils n'avaient aucune notion d'être des individus, notion qui, Huy commençait à le pressentir, était la racine du malheur. Quand la sensation avait-elle émergé de l'engourdissement apaisant ? Était-ce lorsque Ménès avait unifié la Terre Noire, deux mille ans plus tôt ?

Mais les fermiers eux-mêmes n'étaient pas à l'abri de la peur, et Huy avait entendu dire que des meurtres s'étaient produits parmi eux.

Le soir offrant un répit après l'ardente chaleur du jour, les gens commencèrent à se répandre dans les rues, les échoppes et les étals ouvrirent. En retournant chez Aset, Huy se sentait plus à l'aise au milieu de cette foule. Le seul fait d'être entouré repoussait au loin les pensées mélancoliques. Et d'un point de vue pratique, il était plus facile de rester anonyme parmi la multitude.

En revanche, il lui était plus difficile de se rendre compte s'il était suivi. Huy, qui avait peu d'expérience en la matière, se laissait guider par son instinct et sa ferme détermination à préserver Aset du mal dont il était, ou risquait d'être la cible. Cette fois, ces qualités lui firent faux bond.

Il avait tourné dans une allée qui serpentait entre les murs nus de deux grandes maisons et qui reliait des artères principales. C'était un long passage formant deux coudes aigus. À un détour, il tomba sur trois hommes, originaires du sud et vêtus de l'uniforme distinctif des Mézai, qui lui barraient le chemin.

« Huy, l'ancien scribe ?

— Tu sais bien que c'est moi.

— Viens avec nous. »

L'officier qui avait parlé se tenait à la gauche des deux autres. Sa voix était calme, presque lasse, mais avait une inflexion tranchante qui excluait toute protestation. Du coin de l'œil, Huy regarda tour à tour chacun des Mézai. Ils ne semblaient pas armés, mais fuir ou se battre aurait été futile. Il inclina la tête. Le premier policier tourna les talons sans ajouter un mot et s'éloigna. Huy lui emboîta le pas, et les deux autres se placèrent derrière lui. La petite procession n'eut pas à aller loin. Ils n'avaient pas encore atteint la rue principale qu'ils s'arrêtèrent sous un petit passage voûté que Huy n'avait jamais remarqué. Ils l'y firent entrer, puis le saisirent par les bras et lui firent parcourir un couloir sur la gauche, pour le pousser, enfin, dans une pièce étonnamment spacieuse. Elle avait de hautes fenêtres et de simples murs en brique crue. Il y faisait une chaleur oppressante. La porte en bois brut se referma derrière lui et, de l'autre côté, un verrou glissa dans sa gâche.

Huy s'assit sur un banc d'argile attenant au mur et examina les fenêtres. Il pourrait les atteindre en se dressant sur la pointe des pieds, mais même s'il réussissait à se hisser jusqu'au bord, elles étaient trop étroites pour qu'il pût se faufiler à travers. Et d'ailleurs, rien n'assurait qu'elles ne donnaient pas sur une cour intérieure.

Le temps passa dans un silence de mort. Huy faisait les cent pas en essuyant la sueur sur ses épaules. On l'oubliait volontairement dans cette étuve, mais le savoir n'était pas d'un grand secours. Tôt ou tard, on viendrait s'occuper de lui. Cette idée-là non plus ne le réconfortait pas beaucoup.

Enfin, des pas lourds résonnèrent dans le couloir. Huy essaya de discerner combien de personnes approchaient, mais c'était impossible car la brique étouffait les sons. Il s'éloigna de la porte et se tourna vers elle en entendant qu'on tirait le verrou.

Deux soldats entrèrent très vite. L'un d'eux frappa Huy à l'aide de l'épais gourdin dont il était muni, assez durement pour qu'il se plie en deux et tombe à genoux, le souffle coupé. Dans les quelques secondes qu'il fallut à sa vue pour retrouver son acuité, une brise passa, et il sentit le parfum reconnaissable entre tous du lin frais et des fleurs de lotus, l'odeur du pouvoir et de la richesse. Sans lever les yeux, il vit l'ourlet doré d'un long pagne bleu, au-dessus de pieds solides et bronzés dans des sandales de cuir rivées par des clous d'or. Les pieds étaient propres et soignés, mais leur plante était calleuse et le cou-de-pied couvert d'un réseau de veines noueuses. La brise avait été causée par l'entrée énergique de leur propriétaire.

Le regard de Huy remonta, et rencontra un visage dur et émacié, aux lèvres minces et au nez busqué au-dessus desquels le foudroyaient des yeux brun-noir, aussi perçants que ceux d'un faucon. Ces yeux sondèrent brièvement les siens avant qu'un des soldats ne le force à plier l'échine et à fixer le sol de terre cuite rouge. Mais son cœur battait à tout rompre. Le général Horemheb !

« Je sais qui tu es et quelle fut ta condamnation, scribe Huy, prononça une voix de baryton quelque part au-dessus de lui. Je sais quel rôle tu as joué dans l'affaire Intef. Je sais que tu as recherché un travail qui t'est désormais interdit. Tu sembles faire peu de cas de la mansuétude qui t'a permis de conserver ta vie. Que je continue à l'épargner est la marque de ma gratitude envers toi, qui as contribué à remettre Intef à la justice. Mais que cela ne devienne pas une habitude. Laisse la loi à ceux qui sont habilités et autorisés à l'exécuter. Je ne manque pas d'indulgence, mais si je constate que tu deviens un sujet d'irritation, même minime, je t'extirperai et te jetterai au feu comme une épine à mon pied. »

Huy devina plus qu'il ne le vit que le général faisait un signe de la main. Chacun des soldats abattit son lourd gourdin sur son dos courbé, frappant carrément en travers des reins. Le souffle coupé, Huy se tordit par terre, pris de panique, luttant pour retrouver l'usage de ses poumons. Son univers rétrécit et se limita aux confins de son corps. Il n'avait plus aucune conscience de ce qui se trouvait au-dehors. Quand enfin, en un flux de soulagement, il réussit à faire pénétrer l'air en lui et retrouva ses sens, il était seul dans la pièce. Réelle ou non, la visite du général lui paraissait un songe.

On avait laissé la porte ouverte. Au-delà, le couloir était désert. Il l'emprunta avec assurance, certain qu'il lui était permis de partir. Il ne rencontra personne jusqu'à ce qu'il eût quitté l'allée et rejoint les gens qui marchaient encore dans la rue principale, bien qu'à en juger par la couleur du ciel il fût très tard. Dans la lumière chiche dispensée par les lampes à huile des rares boutiquiers, il se hâta de traverser la ville pour regagner la demeure d'Aset.

 

Elle réagit avec tant de colère à sa proposition de la débarrasser de sa présence que, pendant quelques jours, il céda devant sa force de persuasion et sa propre répugnance à partir. Toutefois, il ne pouvait empêcher son cœur de ressasser son inquiétude pour la sécurité de la jeune femme.

« J'irai très bien pourvu que tu sois avec moi, affirma-t-elle. En tout cas, si c'est Horemheb qui sait que tu es ici, tu es en sécurité. S'il voulait te faire du mal, ce serait déjà fait. Qui que tu sois, tu ne pourrais lui échapper.

— Mais si Horemheb le sait, d'autres aussi peuvent en être informés. Le nombre de serviteurs dans le secret est déjà trop grand. On ne peut se fier au grand nombre.

— Tu dis cela parce que tu veux t'en aller.

— Non, crois-moi. »

Mais elle continua à bouder jusqu'à ce qu'il cède et la console. Pourtant, malgré lui, il ne put se laisser aller sous ses baisers, et elle le sentit.

« Si cela doit rendre nos ébats amers, alors mieux vaut se séparer, dit-elle. Mais je ne te laisserai pas partir, non, pas pour toujours, car je ne crois pas vraiment que ce soit ce que tu désires.

— Et toi, que désires-tu ?

— Être avec toi, toujours.

— Même dans le meilleur des mondes, je ne pourrais jamais être ton époux, lui rappela Huy. Mariée à moi, tu porterais ma flétrissure. Amotjou ne te recommanderait pas de prendre une pareille décision. Ton mariage doit profiter à ta famille.

— Tes prétextes sont aussi creux que pitoyables », répliqua Aset.

Cette nuit-là, ils firent l'amour longtemps, avec douceur et cruauté, en savourant les vagues de désir qui se brisaient sur eux. Réveillé avant l'aurore, Huy embrassa le visage endormi d'Aset avec plus de tendresse qu’il n’en avait jamais éprouvé pour Aahmès elle-même au plus fort de leur amour, lorsqu'il la contemplait, assoupie, le petit Héby auprès d'elle. Son fils devait avoir commencé l'apprentissage de l'écriture. Comment se débrouillait-il ? Son maître se montrait-il aussi emporté que celui de Huy l'avait été ? Comment était Héby, physiquement ? Il existait une différence incommensurable entre l'âge de trois ans et celui de sept ans. Mais il semblait à Huy qu'il avait trouvé quelqu'un pour combler le vide de son cœur. Si seulement il pouvait se laisser aller, donner libre cours à ses sentiments !

Il se dirigea vers sa propre chambre. Négligeant le lit qui s'y trouvait, il s'en servait comme d'un bureau. Il avait eu pour projet de consigner chaque étape de son enquête, mais jusqu'alors il n'avait réussi qu'à noter des faits isolés sur des feuilles distinctes de papyrus.

Il était encore tôt. Il distinguait une activité étouffée et circonspecte dans la cuisine au dernier étage – le boulanger s'efforçait de ne pas déranger –, mais le reste de la demeure était ouaté par le profond silence qui pèse sur la vie au cœur de la nuit. Alors qu'il atteignait sa porte, son pied effleura un petit objet dur posé par terre. Huy s'agenouilla, le scruta dans la pénombre et, en le ramassant, découvrit que c'était un scarabée de pierre, de ceux sur lesquels étaient gravées les inscriptions commémoratives. Il l'emporta dans le couloir, jusqu'à un renfoncement du mur où luisait une lampe à huile. Là, il le retourna. À la base du scarabée se découpait un hiéroglyphe : le signe de la mort.

Soudain toute chaleur déserta son corps et l'obscurité amicale s'emplit de menace. Le scarabée serré dans son poing, il se précipita silencieusement vers sa chambre, non sans s'être muni de la lampe à huile. Devant la porte, il hésita. Mais dominant sa peur, il l'ouvrit d'une main ferme et entra.

Malgré le peu de lumière, il vit que quelqu'un, ou quelque chose, était couché dans le lit. Il posa le scarabée sur une table près de la porte et s'avança. Il n'était pas armé, mais la rigidité de la forme étendue sur le lit, quoi que ce pût être, indiquait que cela ne constituait pas une menace immédiate. Au début, il distingua seulement une silhouette couverte par un drap et, au centre du drap, une énorme tache sombre. Une faible odeur lui donna la chair de poule : des relents de poisson pourri et de soufre flottaient encore dans la pièce.

Bien que les proportions de la chose fussent humaines, la tête ne l'était pas. Trop longue. Ce qui aurait dû être le nez était étiré comme une gueule, le front était aplati vers l'arrière, quant aux cheveux et au menton, ils avaient disparu. Il crut qu'il n'y avait pas de bouche, jusqu'au moment où il comprit qu'en fait cette tête n'était qu'une bouche, d'énormes mâchoires allongées qui renfermaient… Non, elles ne renfermaient rien. Et les yeux étaient des trous aveugles. C'était un masque de crocodile, la peau d'un animal mort tendue sur une légère structure de bois. Huy se pencha prudemment pour le toucher et bondit aussitôt en arrière : la face avait semblé bouger. Mais ce n'était qu'une illusion née du jeu des ombres.

En trébuchant, il avait instinctivement tendu la main pour conserver l'équilibre, et il avait touché le drap. Celui-ci était froid, humide et poisseux, et ce qu'il couvrait était froid et doux. Même dans l'obscurité, Huy aurait pu dire que c'était du sang à la forte odeur qui montait de ses doigts. Croyant à peine au cauchemar éveillé dans lequel il venait de pénétrer, il saisit avec précaution les coins secs du drap et le tira en arrière, en insistant doucement lorsqu'il rencontra la résistance du sang séché. Il savait un peu à quoi s'attendre, mais ce qu'il vit, luisant d'un éclat mouillé dans le halo jaune de la lampe, lui provoqua un haut-le-cœur et il dut respirer lentement, à longs traits, pour dominer sa nausée. Un cadavre masculin, écorché. Celui qui avait fait la besogne était expert en la matière, car il ne restait pas une trace de peau, même sur le pénis.

Le regard de Huy remonta du tronc jusqu'au masque grotesque, bien qu'il sût déjà de qui il s'agissait. Une des jambes se terminait juste au-dessous du genou.

 

« Tu ne dois pas le lui dire, déclara Taheb. Il progresse à grands pas, à présent, et une nouvelle pareille provoquera une rechute.

— Il voudra savoir pour quelle raison je pars.

— Vraiment ? Tu risques d'être surpris.

— Que veux-tu dire ? demanda Huy.

— Je le laisserai t'en parler lui-même », dit-elle.

Après quoi elle le considéra sans mot dire quelques instants, puis ajouta ;

« J'aimerais savoir comment toi, tu as progressé. À supposer que tu aies progressé.

— J'aurais voulu parler à Intef.

— Quel bien cela aurait-il fait ?

— Tout est dirigé contre Amotjou.

— Sottise. La tombe de son père n'est qu'une de celles, nombreuses, qui ont été pillées ces derniers temps. Quant aux pirates du Fleuve, ils sont omniprésents.

— Mais le viol de la tombe, l'attaque des pirates et l'enlèvement, si on les additionne…

— Amotjou pense avoir été emporté par des dieux ou des démons contrôlés par Rekhmirê, coupa sèchement Taheb.

— Et tu y crois ?

— Je dois me conformer aux convictions de mon époux.

— Lorsque je suis monté au tombeau, j'ai été attaqué par Seth, avoua Huy après un moment d'hésitation. Ou par quelqu'un vêtu de manière à lui ressembler. Qui m'a envoyé là-bas ? Qui sont donc ces pillards, adeptes des mystères ? »

Taheb prit une profonde aspiration.

« Ce que tu viens de dire pourrait relever du blasphème. Nous sommes tout à fait conscients que tu as pris part à une hérésie, mais les anciens dieux ont retrouvé la place qui leur revient de droit. »

Huy savait Taheb trop intelligente pour croire ce genre de chose, mais il n'osa pas le dire.

« Je ne pense pas devoir mériter une attaque personnelle de la part de Seth.

— Si tu vois un lien entre ces trois faits, si tu penses que Rekhmirê est derrière tout cela, alors j'attends de toi que tu fournisses une preuve susceptible d'être soumise à Horemheb. Et j'attends que tu avances plus vite. Tu es un homme intelligent.

— Je m'y efforcerai. »

Huy se demandait si cette femme énigmatique ne mettait pas en quelque sorte son intelligence au défi, et quels intérêts, politiques ou privés, pouvaient se dissimuler derrière son désir de faire tomber Rekhmirê.

« Le caractère de la mort infligée à Ani et le lieu où l'on a déposé son cadavre suggèrent une menace si directe à mon encontre que je ne peux la négliger. Je dois me retirer.

— La famille d'Intef s'est vengée, dit Taheb, les lèvres pincées. N'importe qui peut t'avoir vu avec Ani avant le procès, et après. Or il était le principal témoin à charge. Peut-être que la vengeance consistait à le tuer cruellement pour que tu en restes définitivement terrorisé. Comment Aset a-t-elle pris la chose ?

— Elle n'a pas vu le corps. J'ai fait nettoyer la chambre par trois serviteurs, qui ont emporté le cadavre. Mais elle sait ce qui s'est passé. »

L'idée le traversa que la femme de son ami posait trop de questions, et il répugnait à en dire plus que nécessaire.

« Des serviteurs dignes de confiance ?

— Que pourraient-ils raconter ? Ani n'avait pas de famille, mais ses amis sauront. Quant à la famille d'Intef, je n'ai pu remonter jusqu'à aucun de ses membres. Il était à moitié mitannien. Il se peut que les siens vivent très loin au nord.

— Qui l'a vengé, en ce cas ? »

Huy baissa la tête. Il commençait à se lasser d'être questionné.

« Ils sont parvenus à leur fin, dit Taheb. Je te vois mal faire grand-chose depuis ta cachette. Où iras-tu ?

— Je ne l'ai pas encore décidé. »

Taheb défia ce mensonge des yeux mais ne dit rien. Huy se demanda s'il n'était pas allé trop loin.

« J'aimerais que tu continues à travailler pour nous, mais, vu les circonstances, tu comprendras que je ne peux te payer qu'en fonction des résultats, dit-elle enfin. Maintenant, tu ferais mieux d'aller voir mon époux. Il t'attend dans la cour intérieure. Choisis bien tes mots pour lui parler d'Ani. »

Amotjou était assis sur une chaise basse, les pieds sur un tabouret, et se versait du vin quand Huy entra dans le petit atrium. Lorsqu'il leva la tête, Huy vit que, physiquement du moins, il était redevenu lui-même. Mais son regard conservait quelque chose de voilé, comme hanté.

« Comment vas-tu ? demanda Huy en prenant les mains de son ami, dont la peau portait encore des cicatrices.

— Bien », répondit Amotjou d'une voix tendue, un peu pâteuse.

Huy s'étonna que Taheb lui permît de s'adonner si librement au vin. Avec autant de ménagements que possible, il apprit à Amotjou la mort d'Ani, en évitant tous les détails que le malade n'avait pas besoin de connaître. Amotjou se rembrunit.

« Il était mon meilleur capitaine.

— Et d'une grande loyauté.

— Les bateaux étaient toute sa vie, et l'équipage sa famille. Je veillerai à ce qu'il ait de belles funérailles. Il sera récompensé dans les champs d'Éarou. Les embaumeurs le rendront aussi entier qu'ils le pourront. »

Il s'interrompit, frappé par une pensée soudaine.

« On ne lui a pas ôté son cœur ?

— Non. Ils ont au moins eu ce geste de clémence. »

Huy frissonna à cette seule idée. Ôter son cœur à une personne, c'était lui interdire la vie dans l'au-delà ; c'était comme tuer son âme. Les morts ainsi dépossédés étaient condamnés à errer de par le monde, en attendant l'occasion de dérober le cœur d'un vivant afin de retrouver leur intégrité. Toutes ses années à la cour de la cité de l'Horizon, dans une atmosphère éclairée, n'avaient pas suffi à chasser de son esprit le doute qui l'incitait encore à redouter ce genre de choses, bien plus que les anciens dieux.

Quand Huy expliqua que la menace implicite à son égard lui imposait de prendre ses distances quelque temps, Amotjou l'écouta à peine. Il montra aussi peu d'intérêt lorsque Huy souligna les similitudes entre cet avertissement brutal et celui adressé à Amotjou sous la forme de la mangouste entravée. Seul un être doté d'une habileté et d'un pouvoir extrêmes – et, oui, peut-être assisté des démons – pouvait avoir réussi cela.

Amotjou le laissa parler jusqu'au bout sans cesser de boire, puis leva une main lasse.

« Je comprends tous tes arguments, mais il semble que toi, tu ne m'aies pas compris. Je ne souhaite plus que tu poursuives cette enquête. Si tu n'es pas satisfait, pour ma part, je le suis. Je suis satisfait d'avoir conservé la vie et ma fortune. Tu peux choisir d'ignorer les menaces pour rechercher la vérité. Je me contenterai de céder la palme à Rekhmirê, s'il veut bien me laisser en paix.

— Reverras-tu Moutnéfert, ou as-tu l'intention de la laisser elle aussi à Rekhmirê ? »

La lueur soudaine qui passa dans les yeux d'Amotjou rappela l'homme qu'il était naguère.

« Quoi ?

— Ta maîtresse. Comptes-tu l'abandonner à ton rival ?

— Qui t'a parlé de ça ?

— Cela aurait pu m'aider de le savoir.

— C'était sans rapport avec ton travail.

— J'ai vu l'amour mener des rois à leur perte », dit Huy, se prenant à penser à l'amour intense qu'Akhenaton avait porté à sa grande reine, Néfertiti. Sept filles, pas un seul fils, et malgré cela il ne dormait avec aucune autre.

« Qui plus est, je n'ai plus rien à faire avec toi. Tout va de mal en pis depuis ton arrivée, tandis que Rekhmirê ne cesse de conforter sa puissance. »

Il y avait suffisamment de combativité dans la voix de son ami pour donner à Huy l'espoir que la bataille n'était pas terminée, après tout.

« Ainsi, tu n'es pas effrayé au point de renoncer à ta maîtresse ?

— Va-t'en, ordonna Amotjou en se levant. Va-t'en immédiatement ! »

La cité de l'horizon
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